Rencontre Culture branches "Prévention en santé mentale : enjeux et défis pour les branches professionnelles"

Enjeu de protection sociale pour les branches professionnelles, la santé mentale au travail était au cœur de la Rencontre Culture branches du 26 juin. Sur ce sujet qui parle à tous, experts interdisciplinaires et partenaires sociaux ont pu partager l’état des savoirs et leurs expériences d’accompagnement en prévention.

Publié le mercredi 10 juillet 2024

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Crédits photo : Xavier Renauld
 

De gauche à droite : Yann Quintilla, Gabriel Lepousez, Frédéric Belouze, Anne-Marie Lebis, Pascale Soyeux, Frédérique Mozziconacci, Elisabeth De Castro, Mélanie Heard, Bruno Angles, Virginie Pimentel

 

En ouverture de cette matinée, Bruno Angles, Directeur général d’AG2R LA MONDIALE, a rappelé l’attachement du Groupe aux branches professionnelles et l’importance des évènements Culture branches dans la réflexion constructive menée avec les partenaires sociaux.

 

La santé mentale au travail, composante essentielle de la santé, est au cœur d’enjeux considérables. « Les troubles mentaux représentent le premier poste de dépenses de l’Assurance Maladie, devant les cancers et les maladies cardiovasculaires, souligne Bruno Angles. Aux enjeux humains s’ajoute l’équilibre de notre système de protection sociale et de santé. » Publié en juin, le 16e baromètre de l’absentéisme et de l’engagement Ayming AG2R LA MONDIALE permet d’évaluer les effets pour les entreprises de l’absentéisme et du manque d’engagement, l’un et l’autre associés à la santé mentale. « Notre ancrage historique dans l’économie sociale et solidaire s’exprime par une attention particulière à la lutte contre toutes les vulnérabilités, assure le Directeur général du Groupe. La prévention est au cœur de nos actions. » 

 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld
 

Un nouveau paradigme pour la santé mentale 


Conviée à dresser un état des lieux de la santé mentale au travail, Mélanie Heard, responsable du pôle Santé de Terra Nova, appelle à « un nouveau paradigme » débarrassé « des réflexes de stigmatisation périmés et à combattre ».

 

En 2019, 15% des adultes en âge de travailler souffraient d'un trouble mental. Cette « épidémie mondiale », comme elle la qualifie, représente 12 milliards de jours de travail perdus par an. Du stress au travail au burn-out, en passant par le risque de suicide et le harcèlement moral, son tour d’horizon des travaux sur la santé mentale a retenu l’attention des nombreux invités présents.

 

A rebours d’une conception du travail comme « facteur de bonne santé mentale » (à condition qu’il soit  « décent et approprié à la personne »), Mélanie Heard relève le doublement entre 2007 et 2019 de la souffrance psychique en lien avec le travail. Particulièrement chez les femmes. Comment agir ? La porosité entre travail et vie privée ne doit pas empêcher de dissocier les causes personnelles et professionnelles.

 

« Il faut faire de l'environnement professionnel un facteur de résilience vis à vis du monde personnel, faciliter l'accès au travail et mettre en place un accompagnement intégrant le soin », estime la spécialiste en santé publique qui encourage les salariés à « garder confiance en autrui pour faire baisser le stress ».

 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld


Responsabilités, fatigue et solitude


Défini par l’OMS comme « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail », le thème de « l’épuisement professionnel » a ensuite été placé sous les « regards croisés » de partenaires sociaux.

 

Elisabeth De Castro, Déléguée générale de la Confédération Nationale des Charcutiers Traiteurs (CNCT) explique que « les artisans, femmes et hommes à part égale, assument en tant que chefs d’entreprise des responsabilités multiples, opérationnelles mais aussi administratives, règlementaires, commerciales... Dans un contexte anxiogène, elles sont sources de forte fatigue et de solitude, le déni de ces situations pouvant entraîner un burn-out. »

 

Membre du Pôle alimentaire d’AG2R LA MONDIALE, Elisabeth De Castro a participé aux travaux paritaires - aujourd’hui intégrés dans le programme de prévention Branchez-Vous Santé - sur l’épuisement professionnel des dirigeants de TPE/PME.

 

« La CNCT proposait déjà un accompagnement juridique personnalisé en réponse à des situations de grand stress et de détresse, témoigne-t-elle. Nous avons saisi l’opportunité de mener un projet soutenu sans réserve par les partenaires sociaux. Ceux-ci ont compris qu’un chef d’entreprise en situation d’épuisement risque d’être un mauvais manager, générateur de risques psycho-sociaux. » 

 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld


Répondre à des incivilités répétées


Anne-Marie Lebis, Vice-Présidente de la CPPNI de la branche des Vétérinaires (au titre de FO Santé Privée), constate quant à elle une amplification des agressions.

 

« Impliqués affectivement dans leur métier, les vétérinaires sont impuissants à répondre à ces incivilités répétées, doublées d’avis négatifs sur les réseaux sociaux ou de plaintes auprès du conseil de l’Ordre », témoigne-t-elle. Avec un taux de 4% au niveau mondial (2% de plus que les professions médicales), les vétérinaires font partie des professions les plus touchées par le suicide.

 

« Le dispositif initié en 2019 par la branche inclut des vidéos de sensibilisation pour savoir comment répondre à ces incivilités ainsi qu’une plateforme téléphonique accessible 7/7j et 24/24 et des webinaires thématiques, par exemple sur le droit à l’erreur », explique Anne-Marie Lebis, elle-même auxiliaire vétérinaire dans une clinique à Quimper.

 

Cette action, menée dans le cadre du degré élevé de solidarité du régime santé de la branche, a reçu en 2020 le Trophée Mutualiste et Paritaire de l’Argus de l’Assurance dans la catégorie Prévention des risques.

 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld


Une action collective sur les RPS


« L’humain étant au cœur de nos métiers, les administrateurs des Maisons Familiales et nos équipes salariées, dont près de 65% de femmes, sont potentiellement confrontés à des drames, des événements traumatisants qui peuvent les impacter mentalement ».

 

Virginie Pimentel est représentante de l’Union Nationale des Maisons Familiales Rurales d’Education et d’Orientation (UNMFREO) qui fédère le réseau des MFR, associations délivrant des formations variées et de proximité pour tout public. Avec AG2R LA MONDIALE, elle a accompagné l’an dernier la mise en place, au sein de la branche professionnelle MFR, d’un fonds de solidarité financé par une cotisation de 2% prélevée sur le régime de prévoyance.

 

En plus des aides financières individuelles, une première action collective a été menée sur les RPS. A la suite d’un évènement traumatique (accident mortel, acte de violence, agression sexuelle ou avec arme), le directeur d’une Maison familiale peut contacter Proconsult, un organisme partenaire d’AG2R LA MONDIALE mandaté par la branche. Sous deux jours, un psychologue intervient pour recevoir collectivement ou individuellement l'ensemble des salariés. Plus de 15 interventions ont déjà été effectuées en moins d'un an.

 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld


Un parcours de soins coordonnés


Psychiatre et co-fondateur d’AviPsy, une start-up en santé mentale, Yann Quintilla a complété les éléments de contexte avec deux chiffres : « une personne sur 4 est aujourd’hui en souffrance mentale et une sur deux n’en a pas conscience. » Comme l’a expliqué Frédérique Mozziconacci, la directrice générale de la start-up, c’est précisément « pour fournir des outils de compréhension de ce qui nous arrive et surtout pour prendre en charge » qu’AviPsy a été créée.


La première étape de l’accompagnement consiste à effectuer un bilan diagnostic pour en identifier l’origine, « avec l‘aide de psychiatres et de psychologues, nous proposons ensuite un parcours de soins personnalisé et coordonné, avec des outils de soins innovants ».

 

Pour les fondateurs d’AviPsy, mettre la psychothérapie au centre permet de diminuer le recours au traitement : « L’objectif est de soigner mieux, plus vite et durablement pour prévenir les rechutes ». En deux ans, plus de 10 000 patients ont pu bénéficier d’un accès rapide (moins de 10 jours) aux soins, avec un taux de satisfaction de 96%. 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld


Un service d'écoute et de soutien psychologique


Dans la séquence suivante, deux négociateurs de branches ont été à leur tour invités à croiser leur regard sur « les évènements personnels qui influent sur le travail ».

 

Jean-Laurent Clochard est responsable du Pôle Familles de la FNAAFP CSF, une des quatre fédérations patronales de la branche de l’aide à domicile : « Nous avons une responsabilité envers les 226 000 salariés, dont 96% de femmes, qui travaillent auprès de personnes elles-mêmes victimes de trouble de la santé mentale ».

 

En plus des temps de coordination prévus dans la convention collective, la branche a mis en place un service d'écoute et de soutien psychologique gratuit (par téléphone) assuré par Proconsult. « Parmi nos salariés, 15 000 travaillent dans le champ de l’accompagnement à la parentalité, auprès de familles qui rencontrent des difficultés d’ordre maternel liées à la santé mentale, précise Jean-Laurent Clochard.

 

Formés à deux métiers, les accompagnants éducatifs et sociaux et les techniciens de l'intervention familiale interviennent au domicile des familles pour des actions de prévention de la dépression post partum et des troubles relationnels mère bébé, puis du burn-out parental, quel que soit l'âge de l'enfant jusqu'à sa majorité ». 

 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld


Un dispositif d’aide aux aidants


Secrétaire général de la CFTC PSE (Protection sociale et de l'emploi), Frédéric Belouze défend notamment les intérêts des salariés des organismes de sécurité sociale du régime général (150 000 salariés répartis dans plus de 400 organismes).

 

« Nous avons instauré un dispositif d'aide aux aidants dont la problématique s’apparente à celles des travailleurs en situation de handicap, explique-t-il. En plus de la charge mentale, les aidants doivent gérer le stress lié au report de travail sur les collègues en leur absence ».

 

Le premier objectif des accords de branche signés en 2021 a été de recenser les besoins. « Les aidants sont au nombre de 9,3 millions en France, soit 30% des actifs, rappelle Frédéric Belouze. Entre 54 et 62 ans, une personne sur 4 est aidante ».  

 

Côté employeurs, les aides consistent dans l’octroi de congés supplémentaires avec prise en charge de la rémunération. Les assisteurs-assureurs associés à la démarche apportent quant à eux du conseil, de l’orientation et des paniers de service.

 

« Avec seulement 2800 visiteurs en deux ans sur le portail dédié, nous sommes encore loin du compte en matière de reconnaissance des aidants et d'affirmation de leur statut, conditions pourtant nécessaires pour améliorer leur accompagnement ».

 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld


L’influence du corps sur le cerveau

Dans le registre de la neurobiologie, Gabriel Lepousez, chercheur à l’Institut Pasteur, a ouvert de nouvelles perspectives au traitement des troubles mentaux.

 

« Parmi les éléments de contexte associés à la santé mentale, il faut ajouter un autre paramètre : le corps et en particulier l’intestin ». Des patients traités pour des troubles anxio-dépressifs se plaignent aussi de troubles gastro-intestinaux. Une comorbidité apparait, une boucle se met en place. Dans le cerveau ou dans le ventre, où prend naissance la maladie mentale ? « Cette réflexion nous amène à chercher dans le corps des éléments pour guérir le cerveau, explique Gabriel Lepousez. Le microbiote intestinal, soit l’ensemble des bactéries qui vivent en nous, influence à la fois les neurones du cerveau et les neurones présents dans l'intestin. Certes, ces derniers sont 1000 fois moins que dans le cerveau mais ils font quand même office d’antenne sensorielle pour le cerveau. » La seule transplantation de la flore intestinale issue d’un individu soumis au stress sur un « patient » sain est capable d’induire l’apparition de troubles anxio-dépressifs.

 

« Les interactions observées entre le cerveau et le corps nous indiquent que pour soigner mentalement une personne, il faut en même temps prendre soin de l'intérieur du corps en y apportant par exemple des probiotiques ou des compléments alimentaires ».

 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld


La pertinence des branches pour des actions ciblées


Reprenant l’avertissement émis par l’OMS, « Il n’y a pas de santé sans santé mentale », Pascale Soyeux, membre du Comité de Direction du Groupe, en charge de la Santé prévoyance et des accords de branches d’AG2R LA MONDIALE, a rappelé en conclusion combien santé mentale et santé physique sont imbriquées et indissociables.

 

« La santé mentale n’est pas un état figé, mais une recherche permanente d’un état d’équilibre psychique en fonction de ce que chacun vit ».  

 

Toujours selon les chiffres de l’OMS, 13 millions de Français sont touchés par les maladies mentales et les troubles psychiques. « Nous avons la conviction que, grâce à la mutualisation, les branches sont le bon endroit pour développer des actions ciblées de prévention de la santé et plus spécifiquement de santé mentale s’adressant à toutes les entreprises, avance Pascale Soyeux. Le rôle d’AG2R LA MONDIALE est d’accompagner les branches pour avancer ensemble et servir l’intérêt général. » 
 

 

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Crédits photo : Xavier Renauld

 

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