Retour sur la Rencontre Culture branches du 29/06

Le 29 juin, Culture branches proposait de porter un regard croisé sur la santé prévoyance dix ans après la fin des clauses de désignation. Le big-bang annoncé n’a pas eu lieu mais, pour les négociateurs de branche, seule la mutualisation de branche est capable de générer un haut niveau de protection sociale.

Publié le jeudi 13 juillet 2023

10 ans après la fin des désignations Etat des lieux et perspectives pour les branches professionnelles en santé prévoyance

« Dans le contexte sociétal post-covid où nous nous trouvons, il ne s’agit plus seulement de parler de transition au sein du monde du travail mais bien de prendre en compte les transformations et les ruptures »

 

En introduction à cette Rencontre, Philippe Da Costa, Délégué général à l’ESS, à la RSE, aux branches professionnelles, aux pôles et à l’animation des territoires d'AG2R LA MONDIALE, a mis en perspective les bouleversements de ces dernières années. Les deux grands chocs, climatique et démographique, à venir et les nouveaux enjeux qu’ils induisent (accroissement de la vulnérabilité, nouveaux risques sociaux, vieillissement de la population) justifient d’autant la thématique du jour.  

 

« Comment s’adapter pour accompagner la solidarité et prendre re en compte les nouveaux défis qui se posent au modèle de protection sociale tel que nous le défendons ? Au-delà du contrat, les pôles professionnels créés par AG2R LA MONDIALE constituent le deuxième étage d’un haut niveau de protection sociale »

 

10 ans après, quelles sont les évolutions du marché  ?

Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l'Épargne, est revenu sur l’évolution du marché.

 

« Le big bang susceptible d’être provoqué par la fin des clauses de désignation et la généralisation de la complémentaire santé n’a pas eu lieu », constate l’économiste.

 

Plutôt qu’une rupture (ou disruption), il observe « une évolution à la marge avec confirmation des tendances précédentes ». 


La confiance avec les IP est maintenue


Le marché de l’assurance santé et prévoyance est confronté depuis une dizaine d’années à un processus de concentration du secteur qui a eu tendance à s’accélérer depuis 2013.

Les assureurs traditionnels gagnent légèrement en part de marché et les mutuelles reculent tandis que les institutions de prévoyance (IP) se maintiennent.

 

 « Les IP ont l’avantage de bien connaître les branches et les entreprises, les relations sont anciennes et reposent sur la confiance, estime Philippe Crevel. L’accompagnement des branches, notamment au travers des fonds sociaux, est un facteur de maintien des IP sur ces marchés. »

 

Le vieillissement de la population et la pénurie de main d’œuvre supposent cependant d’adapter les couvertures et la mutualisation des risques à venir. « La notion de branches est très pertinente pour faire remonter les besoins de la base vers les professionnels de la protection sociale. Elle est un outil de mutualisation et de subsidiarité ». 


 

Avec la labellisation, l’émergence d’une 3ème voie 


Pour Charlotte Bertrand, avocate associée spécialisée en protection sociale au sein du cabinet Avanty, le nouvel environnement juridique des clauses de recommandation présente de nombreux inconvénients.

 

« Le risque d’antisélection inhérent à la recommandation laisse craindre que seuls les « mauvais » risques viennent chercher la couverture protectrice de l’organisme recommandé. Dans ces conditions, il est difficile de profiter des effets positifs de la mutualisation pour proposer des garanties à un tarif intéressant, ce qui nuit surtout aux petites entreprises. »

 

Pour pallier ces difficultés, Charlotte Bertrand constate l’émergence dans les branches d’une 3ème voie comme la labellisation, « un entre-deux qui permet aux branches de décerner aux assureurs l’équivalent d’un label, tout en disposant de plus de liberté qu’au sein des recommandations pour aménager et adapter le tarif à la sinistralité réelle de l’entreprise. »

 

 

Forces et faiblesses des accords de branche 


Alexandre Lagache, Directeur des accords de branches d'AG2R LA MONDIALE, a ensuite apporté un éclairage sur les forces et faiblesses des accords de branches. Parmi les forces figurent le pilotage paritaire, les garanties adaptées, les actions de prévention ciblées, le périmètre de mutualisation, les éléments de solidarité et la facilité de mise en œuvre. Parmi les faiblesses, l’analyse pointe des coûts plus élevés de distribution et de gestion, des montages plus complexes, les limites des recommandations et l’effet « paquebot » ou d’inertie propre aux IP pour s’adapter aux nouveaux outils.

 

« Le marché crée par ailleurs des opportunités », poursuit Alexandre Lagache, « à commencer par l’attractivité de notre offre pour les TPE PME. » Le Directeur des accords de branches pointe également « un réel potentiel de développement », notamment en santé, lié à l’essor du digital et « la conquête de nouveaux marchés » via les appels d’offre.

 

Enfin, certaines menaces sont identifiées comme la concurrence accrue, une règlementation en constante évolution et la banalisation des offres. 

 

« Comment s’adapter pour accompagner la solidarité et prendre re en compte les nouveaux défis qui se posent au modèle de protection sociale tel que nous le défendons ? Au-delà du contrat, les pôles professionnels créés par AG2R LA MONDIALE constituent le deuxième étage d’un haut niveau de protection sociale »

 

Témoignages de branches


Dans la deuxième partie consacrée aux « témoignages de branches », Philippe Pihet ancien Secrétaire confédéral FO, a souligné comment le Conseil Constitutionnel, « en délégitimant les clauses de désignation, a privilégié la liberté d’entreprendre sur la liberté de négocier ».

 

Dès 2014, invoquant la Charte sociale européenne dont la France est signataire, FO a déposé une plainte devant le Comité européen des Droits Sociaux. Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, qualifiait lui-même la clause de recommandation de « machine à mauvais risques ».

 

« La désignation présentait un véritable intérêt pour le salarié, sans parler de la responsabilité de l’employeur qui peut être engagée faute d’assureur » a insisté Philippe Pihet qui voit un avenir possible dans la pratique des co-désignations. 

 

 

« La solidarité intergénérationnelle doit malheureusement être revue à la baisse »


« Avant 2013, nous investissions plus de 20% des cotisations dans la solidarité et les actions de prévention », témoigne Xavier Casalini, Secrétaire général de la Confédération Nationale de la Boulangerie Pâtisserie Française.

 

« Notre régime présente un haut degré de solidarité mais pour combien de temps encore… ?!. Dix ans après, la remise en cause est profonde et le constat inquiétant. Nous assistons à une baisse croissante de la mutualisation doublée d’une non-conformité des prestations proposées par la concurrence. Cette situation nous contraint à revoir malheureusement la solidarité intergénérationnelle à la baisse. »

 

Face à cette régression sociale et dans un souci d’équilibre, il importe pour la Confédération de « retrouver des outils juridiques ».

 

« En tant que partenaires sociaux, nous sommes très vigilants sur le respect des prestations proposées afin que la concurrence soit réelle entre les différents acteurs de l’assurance ». 

 

 

« Des choix stratégiques pour le bien des salariés et des cotisants »


Pour Stéphanie Dayan, Secrétaire nationale de la CFDT Services, la fin des clauses de désignation a eu des conséquences variables sur les 80 branches qu’elle pilote : une « explosion en vol » pour certains régimes, un certain « immobilisme » pour d’autres ou, plus couramment, la « démutualisation » due aux départs des grandes entreprises.

 

Le sort des réserves reste, de son point de vue, « un sujet majeur », dans un contexte de nécessaire solidarité de branche et de « choix stratégiques » pour le bien des salariés et des cotisants.

 

Évoquant le rôle des actuaires, Stéphanie Dayan rappelle le besoin de montée en compétences des négociateurs sur le sujet spécifique et complexe de la protection sociale. Elle considère l’actuaire, avec sa vision extérieure, comme un « facilitateur capable de traduire le langage technique et financier des assureurs pour un dialogue d’égal à égal ».

 


« La question de la co-désignation doit être repositionnée »


A une « vision technique » basée sur l’équilibre financier, David Cluzeau, Délégué général d'Hexopée et vice-président du pôle ESS d’AG2R LA MONDIALE, oppose la construction d’une politique de prévention.

 

Cependant, selon lui, dans les 5 branches de l’Economie Sociale et Solidaire sur lesquelles, il intervient, « la confiance est altérée » et aucune solution n’émerge, la seule capable de maintenir un haut niveau de protection étant la désignation.

 

Pour autant, « les régimes se maintiennent », affirme David Cluzeau, « il n’y a pas d’effet massif sur la mutualisation, même si, du fait d’acteurs plus nombreux, le pilotage s’avère plus complexe. » Selon le négociateur de branche, « la question de la désignation doit être repositionnée » vers une co-désignation de façon à répondre aux enjeux fixés par le législateur (100% Santé, ouverture des risques, accès à la concurrence).

 

« Pour préserver la mutualisation, les assureurs doivent répondre à la fois en santé et en prévoyance. » 

 

Quels facteurs clés de succès pour les offres de branche ?

Pour Alexandre Gaertner, Directeur de l’ingénierie et des partenariats de la Direction des accords de branches, le premier facteur clé de succès des offres de branche sont les partenaires sociaux eux-mêmes, membres des commissions paritaires en charge du pilotage des branches, représentants des organisations syndicales et patronales.

 

« Grâce à vous, des actions ont été mises en œuvre à l’issue d’un travail collectif de compréhension des conséquences de la fin des désignations. » Alexandre Gaertner a salué « une volonté de maintenir le principe de la mutualisation la plus large possible » relayée par des initiatives comme Culture branches et concrétisée par des actions de prévention telles que Branchez-vous Santé.

 

Sans oublier les pôles professionnels. « A très court terme, l’un des facteurs clés de succès majeur pour maintenir et développer notre positionnement sur ce marché des Branches est la Distribution et plus particulièrement les outils d’aide à la vente ; outils pour lesquels nous avons d’ores et déjà de très bons résultats, qu’il faut encore amplifier ».

 

Raphael Gusdorf, Directeur du digital d’AG2R LA MONDIALE et, à ce titre, responsable des parcours clients et collaborateurs, a quant à lui évoqué « le programme de plateformisation » en cours qui s’accompagne d’une  « refonte complète de l’ensemble de nos systèmes d’information au service de notre stratégie d’entreprise centrée sur le client . »

Ces investissements durables vont permettre au groupe de conserver un SI à la pointe du marché. 

 


En clôture de cette rencontre, Philippe Dabat, Membre du Comité de direction en charge de la santé prévoyance d’AG2R LA MONDIALE, est revenu sur quelques points saillants partagés par l’ensemble des intervenants.

 

« La fin des désignations a complexifié la situation et fragilisé la protection sociale des branches », a-t-il observé.  

Au sujet des recommandations, qualifiées par certains intervenants de « machine à mauvais risques », vecteur de « démutualisation » Philippe Dabat retient « une incitation à ne pas respecter les droit non contributifs » et donc, « une perte de chance pour les salariés ». 


Beaucoup d’idées sont heureusement proposées sur la manière de renforcer la mutualisation : avoir des « négociations actives », encourager les « expérimentations », renforcer « les éléments de prévention et de solidarité », mais aussi « impliquer les représentants des employeurs comme des salariés dans le dialogue au quotidien et le lobbying politique, notamment sur la notion encore théorique de co-désignation ».


Philippe Dabat a insisté sur la nécessité de « se projeter vers le futur » pour construire la protection sociale de demain en tenant compte des risques nouveaux et dans une logique de régime de protection sociale de branche.

 

Il a également relevé l’exigence renforcée des négociateurs de branche vis à vis des partenaires assureurs, dans l’attente de meilleurs pilotages et d’innovations en matière de services, le tout dans le respect des rôles de chacun. « Les acteurs techniques sont là pour traduire vos attentes politiques. En tant qu’assureur, notre rôle est de faire vivre votre régime et de proposer des éléments d’enrichissement et de renforcement de la mutualisation tels que des actions de prévention ou de services. »  

 

Et de conclure : « Le challenge pour AG2R LA MONDIALE est de continuer à travailler à vos côtés de façon à garder votre confiance, de continuer à apporter des éléments de réponse comme ceux évoqués lors de cette rencontre et de rester votre partenaire de référence. Nous avons conscience de cette responsabilité. » 
 

 

Synthèse de l'évènement