L’absentéisme en 2023 : une baisse en trompe-l’œil

Depuis 16 ans, le Baromètre de l’Absentéisme® et de l’Engagement d’Ayming et du Groupe AGR2 LA MONDIALE dresse un état des lieux des absences au travail. Cette étude de référence s’est basée cette année sur les données de plus de 55 000 entreprises du secteur privé employant plus de 3,5 millions de salariés en CDI. Elle livre ainsi des enseignements précieux sur les multiples facteurs de l’absentéisme, ses évolutions structurelles et conjoncturelles, ses spécificités sectorielles et le profil des populations concernées.

Publiée au mois de juin, l’édition 2024 fait état d’un taux d’absentéisme au niveau national de 6,11 % en 2023 — soit 22,3 jours d’absence par collaborateur. 37 % des salariés du secteur privé se sont absentés en 2023, contre 47 % en 2022. Dans un contexte marqué par la disparition progressive des effets de la pandémie de Covid-19, l’absentéisme enregistre donc un recul de 9 % en un an. Ce niveau reste néanmoins significativement supérieur à celui précédant la crise sanitaire (5,54 % en 2019). Les services (6,73 %), les transports (5,75 %), le commerce (5,72 %) et l’industrie-BTP (5,41 %) retrouvent des niveaux similaires à ceux de 2021. Quant au secteur de la santé (6,62 %), il renoue avec une tendance pré-pandémie, après avoir atteint un taux de 8,26 % en 2020.

L’enquête fait en revanche apparaître une nette dégradation de l’absentéisme de longue durée, en croissance de plus de 30 % en cinq ans. Si les plus de 50 ans restent les plus touchés par ces arrêts de plus de 90 jours (avec un taux de 5,59 %), aucune catégorie d’âge n’est épargnée. Ainsi, l’augmentation est particulièrement marquée (+ 26 %) parmi les salariés de moins de 30 ans. Quant à l’absentéisme de courte durée (entre 4 à 7 jours d’absence) et celui de moyenne durée (entre 8 et 90 jours), ils suivent une trajectoire inverse pour atteindre ou se rapprocher des niveaux d’avant-crise sanitaire. 

Autre évolution notable : la hausse progressive de l’absentéisme pour accident du travail (+ 9 % depuis 2019). Celle-ci ressort particulièrement dans le secteur des transports (+ 32 %) et, dans une moindre mesure, celui du commerce (+ 6,6 %). Tous secteurs confondus, l’absentéisme de plus de trois mois représente 70 % de l’absentéisme pour accident de travail.

L’analyse des résultats de la région Grand-Est indique des évolutions similaires, avec toutefois des niveaux d’absentéisme plus élevés. Avec un taux global de 6,39 % en 2023 — soit 25 jours d’absence en moyenne par salarié — contre 7,23 % l’année précédente, la baisse enregistrée s’élève à plus de 13 %. 42 % des salariés ont connu au moins une absence en 2023, contre 52 % en 2022.

L’amélioration s’observe, là aussi, dans tous les secteurs, avec un taux de 5,60 % pour le commerce, 5,48 % pour l’industrie-BTP et 6,48 % pour les transports. Les services et la santé restent, cette année encore, les plus impactés (respectivement 7,96 % et 6,84 %). Comme au niveau national, mais de façon plus mesurée, l’absentéisme de longue durée connaît une hausse significative dans la région Grand-Est. Avec un taux de 3,67 % en 2023, les absences de plus de 90 jours ont ainsi augmenté de 23 % en cinq ans.

Chaque édition du baromètre propose des leviers pour renforcer l’engagement des collaborateurs au travail. Cette année, la réflexion a été élargie au rôle des managers dans la prévention de l’absentéisme. Elle intègre ainsi les résultats d’une enquête qualitative menée auprès d’un panel de 1 839 managers du secteur privé en CDI.

Il en ressort notamment que les conditions d’exercice de leur mission (surcharge de travail, sous-effectif, difficulté à motiver les salariés…), mais aussi le manque de cohérence des objectifs qui leur sont assignés, peuvent avoir un impact sur leur santé. Sept sur dix estiment ainsi être soumis à un stress important. Conséquence : un sur trois déclare avoir été absent en 2023, dont près de la moitié pendant plus de trois mois. Des difficultés qui se répercutent sur les collaborateurs, puisque 45 % des managers désengagés considèrent que leur équipe l’est également.

Le rapport souligne donc la position centrale de la fonction managériale dans toute démarche de prévention de l’absentéisme. Il s’agit avant tout de favoriser l’adhésion des managers, pour leur permettre de fédérer à leur tour leurs équipes et ainsi préserver la santé et l’engagement des uns et des autres. Seconde préconisation : leur proposer un accompagnement structuré pour les aider à mieux comprendre l’absentéisme et faire face à la complexité des situations auxquelles ils sont confrontés. Ces leviers doivent, en définitive, s’inscrire dans une perspective globale, en lien avec la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT). Un enjeu d’autant plus fort qu’un manager interrogé sur trois souhaite quitter son entreprise.