Interview de Jérémie Almosni - Directeur régional ADEME Île-de-France

"Nous avons dès aujourd’hui un rôle à jouer : citoyen, entreprise, collectivité, association à faire corps pour provoquer cette bascule nécessaire à la sauvegarde des espèces, de notre espèce"

Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qu’est l’ADEME et quel est son rôle au quotidien ?

Notre mission est d’accélérer la transition vers une société plus sobre et solidaire, créatrice d’emplois, plus humaine et harmonieuse. Les 41 collaborateurs de la direction régionale mettent leurs expertises au service des citoyens, collectivités acteurs publics et économiques. Nous sommes sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

Nous intervenons, entre autres, via des financements qui visent à réaliser des projets qui promeuvent la transition écologique en passant par le changement de comportement, l’aide à la réalisation, l’innovation, etc. Notre rôle est aussi d’accompagner les politiques publiques locales et nationales.


Nos domaines d'activité en faveur de la transition écologique sont au nombre de trois :

 

  • Le premier porte sur la transition énergétique et vise au déploiement des énergies renouvelables comme la chaleur renouvelable et de récupération (ce qui est très important en IDF du fait du gisement géothermique) ou les ENR électriques. Le déploiement des ENR thermiques est le principal levier permettant d’atteindre les objectifs liés à la part des renouvelables dans le mix énergétique francilien.
  • Le deuxième axe concerne l’économie circulaire et les déchets. Il s’appuie sur 3 priorités : diminuer la consommation de ressources matières, limiter la production de déchets et optimiser le recyclage.
  • Le troisième axe traite des enjeux de la ville et du territoire durables avec des actions comme le développement des mobilités actives, l’amélioration de la qualité de l’air et l’adaptation au changement climatique et l’accompagnement des collectivités dans leur politique climat, énergie, économie circulaire via des démarches intégrées. Le territoire francilien se caractérise par la quantité importante de friches urbaines et leur dépollution.

Vous êtes directeur régionale île de France. Quelles sont vos actions afin de sensibiliser et d’accompagner la région à la transition écologique ?

Pour la transition énergétique, l’enjeu capital est de développer massivement les énergies renouvelables notamment la chaleur renouvelable et poursuivre la massification de la rénovation énergétique des bâtiments. 


Sur le volet économie circulaire et déchets, nous mettons en place des campagnes de sensibilisation (éco conception et filières de réemploi, réutilisation et réparation). Nous devons permettre à l’ensemble des Franciliens de bénéficier d’une extension de tri sur les déchets ménagers assimilés. Aujourd’hui en IDF, le taux de couverture est à 77% et doit atteindre 100% en 2022. La sortie du plastique et le traitement des biodéchets sont aussi des priorités nationales.


Pour l’alimentation, des programmes territoriaux favorisent les circuits courts et de proximité. Concernant la ville et le territoire durables, nous tenons compte des adaptations aux changements climatiques dans les exercices de planification. Les enjeux de mobilité et qualité de l’air sont cruciaux afin d'éradiquer et réduire les sources de production émis par les installations de chauffage bois vétustes et la place de la voiture individuelle. Enfin, la zéro artificialisation nette est un défi colossal à relever.

Nous vivons une succession de crises (crise sanitaire, guerre en Ukraine, canicule, etc.). Que faut-il retenir de ces crises, que nous enseignent-elles en matière d’action publique ?

Le sujet de la sobriété a pris une place pleine entière dans la solution à soutenir pour faire preuve de résilience et répondre rapidement à ces crises. La sobriété apparaît comme un élément structurant du choix de développement. Il existe en effet trois leviers principaux pour diminuer nos impacts sur le climat :

la sobriété (s’interroger sur nos besoins), l’efficacité énergétique (produire en consommant moins d’énergie), et le recours aux énergies propres. Or ces deux derniers leviers sont limités par leur potentiel physique et restent conditionnés au progrès technologique.


Parce qu’elle réinterroge les besoins et les formes de consommation, mais également les modes de production et modèles économiques associés, la sobriété constitue un défi majeur pour devenir un levier central au service de la transition écologique. Dans le cadre de son action, l’ADEME souhaite favoriser une sobriété qui se construit avec un souci d’équité et de justice sociale.


L’ADEME, dans l’accompagnement des politiques de lutte contre le changement climatique et de transition écologique, incite ainsi à limiter certaines consommations et introduit la notion de sobriété sur un nombre grandissant de composantes :

empreinte matière, énergétique, numérique, matérielle, axée sur une production et une consommation moins utilisatrices de ressources (énergies non renouvelables, sols…), et à moindre impact sur l’environnement (émissions GES, polluants dans l’air et dans les milieux…). 


La sobriété offre par ailleurs des synergies évidentes avec différentes politiques et programmes déjà portés par l’ADEME (ex : adaptation au changement climatique, résilience des territoires, économie circulaire, bioéconomie…). Si nous le sujet de l’aménagement du territoire, il s’agirait de s’appuyer sur ces quelques considérants : 

  • Repenser l’aménagement du territoire en questionnant la pertinence de concentrer les pôles d’emplois et les services (santé, éducation, culture…) dans les métropoles, y compris dans leurs périphéries,
  • Planifier la sobriété dans les documents stratégiques de type ScOT, PLUi…,
  • Réinterroger le besoin de construire / d’aménager et le « besoin » d’espace (disponibilité des espaces et des équipements, usages possibles, justification du besoin : évolution démographique, perspectives de développement économique, vacance de logements…),
  • Eviter / limiter l’artificialisation des sols ; Eviter / limiter l’étalement des villes (intensification des centre villes via surélévation des bâtiments, la densité horizontale, la requalification des friches et des espaces dégradés, désirabilité des centre-ville / végétalisation…)
  • Limiter les besoins d’infrastructures et de déplacements par un urbanisme de proximité (proximité lieu de vie lieu de travail), questionner la notion de service public (mobile ?),
  • Optimiser les usages des lieux et des équipements ; mutualiser les lieux / les équipements / les activités ; espaces multifonctionnels,
  • Limiter la consommation des ressources dans l’aménagement / les projets d’urbanisme grâce au recyclage / réemploi (ex : béton avec granulats recyclés) ; favoriser les circuits courts pour les ressources utilisées.

Pourquoi avoir fait le choix de la fonction publique ? et de l’ADEME ?

Avoir comme guide l’intérêt général et être porté par une série d’indicateur qui se focalisent sur les impacts écologiques, sociales et sanitaires de notre planète, c’est extrêmement stimulant et moteur pour de se dépasser chaque jour dans son travail. Ses valeurs sont aussi un socle commun qui permet aussi bien en interne, qu’en externe avec nos partenaires, de constituer un ciment qui résistent aux intempéries politiques, budgétaire. 

Avez-vous une question qui ne vous a jamais été posée et à laquelle vous souhaiteriez répondre aujourd'hui ?

Question pas évidente mais certainement l’occasion de partager des enjeux périphériques à ceux que l’on traite au sein de l’ADEME mais qui sont intimement lié au dérèglement climatique : aurons-nous assez d’eau pour la planète en 2050 ?
 

Sommes-nous une espèce en voie de disparition à l’instar de 60% d’espèces animales qui ont déjà disparu ?
 

Derrière ces questions un peu brutales, ça permet de mettre en évidence notre fragilité et l’importance dès aujourd’hui de prendre conscience des impacts de nos actions néfastes aux espèces, consommatrice de ressources et d’eau.
 

Nous avons dès aujourd’hui un rôle à jouer : citoyen, entreprise, collectivité, association à faire corps pour provoquer cette bascule nécessaire à la sauvegarde des espèces, de notre espèce. Nous en avons les moyens, nous en avons l’intelligence qu’il faut coordonner et accélérer pour nous permettre d’atteindre cet objectif de survie !

 

Pour aller plus loin :

 

Découvrez la synthèse d'activité 2021 de la DR Île-de-France de l'ADEME

Site internet : ADEME

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