Aidants : sortir de l'ombre
Dossier publié le 29 janvier 2025
Laetitia Geneste
Directrice du secrétariat retraite complémentaire et de l'action sociale d’AG2R LA MONDIALE
« Parce que nous pouvons tous être amenés, même parfois très jeunes, à soutenir un de nos proches, AG2R LA MONDIALE s’engage depuis les années 90 aux côtés des aidants.
Notre Groupe les aide à se reconnaître en tant que tels en soutenant, via son institution AG2R Agirc-Arrco, des campagnes de communication nationale dédiées.
A travers son site Aidons les nôtres, crée il y a quinze ans, AG2R LA MONDIALE anime une communauté de pairs et d’experts.
Le Groupe développe avec ses partenaires différentes solutions de répit pour permettre à ses clients aidants de souffler quelques heures ou plusieurs jours et accompagne les entreprises à mieux prendre en compte la situation d’aidance de leurs salariés.
Avec nos experts et nos partenaires, découvrez notre engagement et les solutions que nous mettons à disposition de nos clients. »
En France, quelque 9 à 11 millions de personnes aident un proche en situation de dépendance due à l’âge, au handicap ou à la maladie.
Un phénomène voué à croître du fait de l’augmentation des maladies chroniques, mais surtout du vieillissement démographique.
Ainsi, selon l’Insee, les plus de 75 ans représenteront près de 20 % de la population en 2070 contre 10 % aujourd’hui (1).
Face à ce choc démographique, le ministère des Solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes estime que les besoins d’aide et d’accompagnement à domicile vont augmenter de 20 % dans les 10 ans qui viennent et de 60 % d’ici 30 ans. Un défi majeur, d’autant que le secteur, dont les emplois sont peu valorisés et rémunérés, peine déjà à recruter.
L’aidance, un phénomène en pleine expansion
La France compte entre 9 et 11 millions de proches aidants
Dans ce contexte, les proches aidants jouent un rôle sociétal essentiel dans l’accompagnement de la dépendance en assumant une charge importante, sans que leur contribution ne soit vraiment reconnue. Certes, depuis une quinzaine d’années, quelques avancées les sortent peu à peu de l’invisibilité : création de la Journée Nationale des Aidant(e)s en 2010 ; instauration du droit au répit en 2015 ; mise en place du congé de proche aidant en 2017.
Lancée en 2019, la stratégie nationale 2020-2022 « Agir pour les aidant(e)s » entend les placer au cœur des politiques publiques. Durant cette période, les pouvoirs publics ont développé l’offre de solutions de répit et indemnisé le congé de proche aidant via une allocation journalière. Le deuxième volet de cette politique pour la période 2023-2027 se veut plus ambitieux avec, entre autres, la création de nouvelles places de répit et d’un guichet unique d’information dans tous les départements, la mise en œuvre de l’assurance vieillesse (AVA) et de la validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les aidants.
Si toutes ces initiatives constituent des progrès, les moyens qui y sont alloués restent très insuffisants au regard des besoins et des contraintes que vivent les aidants au quotidien. « L’AVA permet seulement à certains aidants de valider des trimestres pleins sur des périodes non travaillées, mais ces derniers ne sont pas cotisés », relève Cloé Pillot Tonnelier, Chargée de mission innovation sociale retraite d’AG2R LA MONDIALE.
« Le congé du proche aidant est rémunéré à hauteur du Smic et non du salaire de l’aidant. C’est un frein pour beaucoup d’entre eux. Par ailleurs, le congé est limité à trois mois et exclut les aidants de personnes malades », regrette de son côté Morgane Hiron, Déléguée générale du Collectif Je t’Aide. Pour cette association, le compte n’y est pas et augure mal de l’avenir. Les aidants et ceux qui les accompagnent craignent de continuer à « pallier encore plus fortement les dysfonctionnements du secteur du soin et du médico-social qui s’accentuent », peut-on ainsi lire dans son plaidoyer 2024.
Laetitia Geneste, Directrice du secrétariat retraite complémentaire et de l’action sociale d’AG2R LA MONDIALE, confirme : « Dans un contexte de système médical et médico-social sous tension et de pénurie de personnel dans le secteur de l’aide à domicile, le rôle des proches aidants devrait se renforcer tout en recouvrant des situations très diverses. Les solutions et les financements devront être adaptés pour permettre l’accompagnement des situations les plus critiques. »
Reste que les dispositifs qui leur sont dédiés sont encore méconnus d’une grande partie des aidants. Selon le dernier Baromètre des Aidants, réalisé en juin 2024 par le Collectif Je t’Aide en partenariat avec BVA, 45 % d’entre eux n’ont jamais entendu parler du congé de proche aidant et 52 % des solutions de répit.
Même se percevoir comme aidant ne va pas de soi puisqu’1 aidant(e) sur 3 s’ignore. « La société doit reconnaître les aidants pour qu’ils se reconnaissent eux-mêmes comme tels », explique Cloé Pillot Tonnelier. Dans ce double objectif, l’action sociale d’AG2R LA MONDIALE a cofinancé en 2024 une grande campagne de communication sur les aidants, réalisée par le Collectif Je t’Aide à l’occasion de la 15e édition de la Journée Nationale des Aidant(e)s. « Il s’agissait à la fois de sensibiliser le grand public à un phénomène sociétal en pleine expansion, de donner de la visibilité aux aidants et de leur permettre de prendre conscience de leur rôle », raconte Cloé Pillot Tonnelier. À cet effet, la campagne interpelait tout un chacun avec le message « Et vous, êtes-vous aidant(e) ? », qui renvoyait à un questionnaire d’auto-évaluation, publié sur le site du Collectif.
Aidant : un rôle assumé mais non choisi
Méconnaissance des droits des aidants
Regroupant aujourd’hui plus d’une trentaine de structures membres et une soixantaine d’aidant(e)s, le Collectif Je t’Aide se mobilise depuis près de dix ans pour faire avancer les droits des aidants. Sa Présidente, Corinne Benzekri, résume ainsi l’objectif de l’association : « Nous voulons qu’aider soit un choix consenti et réfléchi, et qu’enfin l’aide qu’il(s) ou elle(s) apporte(nt) ne soit pas un facteur de précarisation ou une mise en péril de leur santé ». Un chantier d’ampleur, car la situation d’aidance est, dans la plupart des cas, subie et non choisie. Pourtant, les aidants assument spontanément, et parfois dans l’urgence, l’accompagnement de leur proche dépendant, sans vraiment mesurer les impacts que cette responsabilité aura sur leur santé, leur vie personnelle et professionnelle.
Un besoin crucial d’informations
Bien que nous soyons presque tous amenés un jour à nous occuper d’un proche en perte d’autonomie, personne n’y est vraiment préparé. « Le plus dur quand on est aidant, c’est le manque de soutien, de conseils et d’écoute. J’ai dû me débrouiller toute seule et aller chercher de l’information à droite à gauche, sur Internet, auprès de médecins ou d’amis dans la même situation que moi », témoigne ainsi Stéphanie, 45 ans, aidante de sa mère vivant en résidence services seniors. Selon le Baromètre des Aidants 2024, la complexité des démarches administratives et le manque d’informations sur leurs droits arrivent à la 4e place des principales difficultés rencontrées par les aidant(e)s.
Corinne Benzekri
Présidente du Collectif Je t’Aide
« Malgré la sortie du volet 2 de la stratégie "Agir pour les aidant(e)s 2023-2027", aucune avancée perceptible pour les aidant(e)s ne se fait sentir, dans un contexte de hausse des inégalités, de précarisation et de tensions dans le secteur médical et médico-social.
Ce contexte politique, économique et social rappelle le rôle central que joue le Collectif Je t’Aide à travers ses actions de plaidoyer. »
S’informer pour mieux aider
Aidons les nôtres, le premier site communautaire dédié aux aidants
Créé en 2011 par AG2R LA MONDIALE et totalement rénové depuis, le portail www.aidonslesnotres.fr est un site communautaire entièrement gratuit et confidentiel. Les aidants y trouvent des réponses concrètes à toutes leurs préoccupations dans une série d’articles rédigés par des experts sur la perte d’autonomie liée au grand âge (mesures de protection juridique, pathologies du vieillissement, être aidant, être accompagné au quotidien…). Ils peuvent également poser anonymement des questions plus pointues aux experts ou échanger avec d’autres membres aidants via le forum.
Ma Boussole Aidants oriente ceux qui aident
C’est précisément pour que devenir aidant ne s’apparente pas à un parcours du combattant qu’est née en 2020 la coopérative Ma Boussole Aidants, portée par la Fédération Agirc-Arrco. Cette entreprise à mission, qui s’est donnée comme objectif premier d’orienter ceux qui aident un proche, compte près de 80 sociétaires dont AG2R LA MONDIALE et le Collectif Je t’Aide. Elle est devenue une plateforme digitale de référence, centralisant toutes les informations, solutions et aides disponibles en proximité. Avec plus de 70 000 services recensés sur l’ensemble de la France, elle ambitionne de couvrir à 360° les besoins des aidants et de leurs proches.
3 questions à...
Romain Tribalat, responsable de l’innovation sociale retraite d’AG2R LA MONDIALE
Depuis quand s’intéresse-t-on aux jeunes aidants ?
Si la fédération Agirc-Arrco s’intéresse aux aidants depuis le début des années 90, le sujet des jeunes aidants – terme appliqué aux aidants mineurs - et des jeunes adultes aidants - ceux âgés de 18 à 25 ans - émerge à peine. On commence à s’intéresser à eux, notamment en raison du nombre croissant de familles monoparentales, au sein desquelles les jeunes se retrouvent plus souvent en situation d’aidants. On estime aujourd’hui, tous âges confondus, qu’ils sont entre 700 000 et 1 million.
Ont-ils des besoins spécifiques ?
Les jeunes aidants nécessitent une attention toute particulière en raison de leur âge. Ce sont des individus en construction, qui n’ont pas assez d’expérience pour mobiliser les ressources que les aidants adultes eux-mêmes peinent souvent à trouver… À ce moment clé de leur vie, à l’école, en formation ou à l’université notamment, ils ont besoin du soutien et de la compréhension de la communauté éducative pour assumer leurs études et leur rôle d’aidant, parfois très contraignant. Cela suppose, par exemple, une certaine tolérance pour la ponctualité et les absences, mais aussi des aménagements dans le travail, sans quoi le temps d’aide se fait au détriment des études. Enfin, comme les aidants, ils ont besoin de solutions de répit pour pouvoir développer une vie sociale épanouie, pratiquer des loisirs et préserver leur équilibre comme leur santé mentale. Cela dit, la situation d’aidance est aussi une source d’apprentissages et une expérience formatrice pour ces jeunes qui gagnent en maturité, en autonomie et en empathie.
Existe-t-il des dispositifs d’aide dédiés à cette catégorie d’aidants ?
La situation des jeunes aidants reste encore méconnue et très peu de structures prennent en charge ce sujet. C’est pourquoi le Groupe soutient l’association Jeunes AiDants Ensemble (JADE) (2), qui fait figure de pionnière en la matière. Depuis 2016, date de sa création, l’association développe notamment des ateliers cinéma, qui sont à la fois des occasions de répit et de rencontres pour les jeunes aidants. En partenariat avec l’Université Paris Cité, elle a également contribué à la création d’un guide* pour sensibiliser au sujet les professionnels en milieu scolaire. Nous sommes aussi partenaires de l’association La Pause Brindille (2), qui a créé BRIND’ÉCOUTE, un service d’écoute par chat, sms ou téléphone, ainsi que des espaces d’accueil dans les établissements scolaires, destinés à rompre l’isolement des jeunes aidants. Ce genre d’initiatives va certainement se développer dans les années à venir.
*Connaître et accompagner les jeunes aidants
Préserver sa vie personnelle
Une charge mentale et physique
Manque de temps, fatigue physique, anxiété, renoncement à sa vie sociale et à ses loisirs…
Les répercussions de l’aidance sur la vie personnelle sont diverses et variables selon le niveau de contraintes qui s’imposent aux aidants.
Pour Marie-Josée, 63 ans, salariée et aidante de son père vivant à domicile, l’astreinte est maximale : « Étant fille unique, je n’ai personne pour prendre le relais et ne peux donc m’absenter. Même si mon conjoint est très coopératif, cette situation n’est pas facile à vivre pour notre couple. Cela fait 5 ans que nous n’avons pas pris de vraies vacances ensemble et nous sommes contraints d’aller voir seul à tour de rôle nos familles respectives », explique-t-elle.
Prendre soin de soi
Idem pour Brigitte, 49 ans, qui jongle tant bien que mal entre son travail et l’aide à sa mère : « Ma situation d’aidante est devenue mon quotidien. À force, on oublie tout le reste et on finit par s’oublier soi-même », concède-t-elle.
Même pour Catherine, dont la mère vit en Ehpad, la charge mentale et émotionnelle est très pesante : « Depuis six ans, je me suis mise complètement entre parenthèses, jusqu’à ma propre santé. Je n’ai réalisé aucun examen médical durant toutes ces années », explique-t-elle.
Tous ces témoignages n’étonnent guère Morgane Hiron, qui observe fréquemment ce paradoxe : « Même ceux qui se reconnaissent aidants ne reconnaissent pas forcément qu’ils ont besoin d’aide ».
Accepter de prendre des pauses
Nouveau Souffle : aider sans s’épuiser
Créé en 2014 par un couple d’aidants, Nouveau Souffle fait le même constat : encore trop peu d’aidants acceptent un coup de pouce pour se laisser soutenir et ceux qui finissent par contacter l’association sont généralement épuisés. Or, être aidant, ça s’apprend ! Pour aider les aidants à prendre soin d’eux et à vivre sereinement leur rôle, Nouveau Souffle propose des accompagnements personnalisés ouverts à tous et totalement gratuits : vidéos-conseils et conférences en ligne, séances de coaching individuelles à distance avec un coach professionnel ayant lui-même vécu le rôle d’aidant, formations, groupes d’entraide et ateliers thématiques. Nouveau Souffle est soutenu depuis 2022 par l’action sociale d’AG2R LA MONDIALE au travers de son institution AG2R Agirc-Arrco.
Le Baluchonnage : une solution de répit sur la durée
Depuis 2019, l’action sociale du Groupe est également partenaire du réseau Baluchon France (2), qui déploie en France des services de répit de longue durée à domicile, une pratique née au Québec en 1999.
Mis en place en partenariat avec des structures d’aide à domicile, le Baluchonnage permet à l’aidant de prendre du temps pour lui pendant qu’un intervenant professionnel prend sa place 24h/24, jusqu’à six jours consécutifs, auprès du proche aidé.
Une solution qui assure la continuité du maintien à domicile de la personne dépendante, tout en offrant un répit précieux à la famille.
3 questions à...
Morgane Hiron, Déléguée générale du Collectif Je t’Aide
En quoi l’aidance a-t-elle plus d’impact sur les femmes ?
Selon le dernier baromètre que nous avons réalisé avec BVA, 54 % des aidants sont des femmes, mais, en réalité, les femmes en font beaucoup plus que les hommes en nombre de tâches effectuées comme en temps passé. Pour peu qu’elles soient, de surcroît, seules à élever leur(s) enfant(s), ce qui est le cas de 8 familles monoparentales sur 10, la charge de l’aidance repose entièrement sur elles. De même, dans les familles avec un enfant en situation de handicap, lorsque l’un des parents doit s’arrêter de travailler pour s’en occuper faute de structure d’accueil, ce sont le plus souvent les femmes qui cessent leur activité, perdent leur salaire et donc leurs revenus à la retraite. Clairement, ce sont les aidantes qui subissent le plus de contraintes et le plus de pertes de chance.
Dans ses plaidoyers successifs, le Collectif Je t’Aide réclame des statistiques genrées sur les proches aidants. Pourquoi ?
Justement pour mettre en lumière les inégalités entre les femmes et les hommes en situation d’aidance. Quelques chiffres parlants : 80 % des aidants au foyer sont des femmes et 25 % des aidantes travaillent à temps partiel (3). Le coût de l’aidance pour les femmes est énorme et se répercute sur leur vie professionnelle et leurs finances, sur leur vie sociale et sur leur santé mentale et physique. Elles paient le prix fort en raison d’un présupposé solidement ancré dans les consciences, selon lequel elles sont « naturellement » prédisposées à prendre soin des autres, qu’il s’agisse d’enfants, de malades ou de personnes âgées. Ces stéréotypes de genre ont la vie dure, y compris chez les femmes elles-mêmes, qui peinent souvent à se reconnaître comme aidantes et à demander de l’aide. Des statistiques genrées permettraient de mesurer plus précisément les inégalités entre les femmes et les hommes devant l’aidance et de rendre l’implication des femmes plus visible.
Du coup, les femmes aidantes ont-elles des besoins spécifiques ?
Poursuivre l’égalité salariale permettrait déjà qu’elles soient moins pénalisées financièrement. Sinon, leurs besoins rejoignent ceux de l’ensemble des proches aidants : un accompagnement dans les démarches, de la flexibilité dans le temps de travail et un congé de proche aidant à hauteur du salaire, des solutions de répit pour souffler et des aides financières pour leur proche afin de diminuer le reste à charge ; enfin et surtout, la reconnaissance et la valorisation de leur rôle au sein de la société. C’est d’autant plus urgent que la population vieillit, que les besoins dans l’aide à domicile sont immenses mais loin d’être satisfaits et que les aidants d’aujourd’hui sont les aidés de demain.
Trouver le juste équilibre au travail
Aidant, un défi majeur pour les entreprises
Aujourd’hui, 61 % des aidants sont en activité professionnelle (4) et, parmi les salariés, 20 % sont aidants (5). En 2030, sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et d’un passage à la retraite plus tardif, 1 actif sur 4 sera aidant (6). Un défi majeur pour les entreprises, car l’aidance impacte non seulement la vie professionnelle de l’aidant, mais aussi le collectif de travail tout entier. « Il est illusoire de croire qu’en fonction du niveau et de la temporalité de l’aidance, être aidant passe inaperçu au sein de l’entreprise », relève d’ailleurs Laurence Breton-Kueny, Vice-présidente de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH).
Un impact sur la qualité et la quantité du travail
Un avis partagé par les managers qui, selon la dernière étude de l’Observatoire OCIRP sur les salariés aidants (7), jugent à plus de 80 % que l’aidance affecte la quantité et la qualité du travail. Les aidants actifs eux-mêmes ne disent pas autre chose, puisque 30 % d’entre eux jugent que leur situation les met en difficulté au niveau professionnel. Un pourcentage qui grimpe à 40 % chez ceux de moins de 30 ans et à 47 % chez les aidants « solo ». Déborah, salariée et aidante de son fils autiste, le reconnaît : « J’avoue ne pas être toujours concentrée à 100 % sur mon activité professionnelle. Je ressens du stress, de la fatigue et ne dors pas bien ».
Un tabou encore tenace
Pour Laurence Breton-Kueny, Vice-présidente de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), cacher sa situation d’aidant n’est donc pas une solution tenable. Pourtant, une majorité de salariés (63 %) se montrent toujours réticents à se déclarer aidants auprès de leur employeur, le plus souvent par peur que leur carrière professionnelle en pâtisse, voire par crainte de perdre leur emploi. Quand ils franchissent le pas, c’est souvent que concilier leur rôle d’aidant et leur vie professionnelle est devenu trop difficile.
Stéphanie, 45 ans, aidante de sa mère, a, elle, fait le choix de parler de sa situation et ne le regrette pas : « C’est important que mon employeur et mes collègues soient au courant. Ils se montrent ainsi plus souples et tolérants quand je dois quitter le travail en urgence ».
Compte tenu de l’augmentation annoncée du nombre d’actifs aidants dans les années à venir, il semble désormais essentiel que les organisations s’emparent du problème, non seulement pour le bien-être des personnes concernées, mais aussi pour la performance et l’image de marque de l’entreprise. Et même si les dispositifs de soutien aux salariés aidants représentent un coût supplémentaire, 79 % des DRH interrogés par l’OCIRP pensent qu’il revient moins cher d’agir pour les aidants que de ne rien faire.
Laurence Breton-Kueny
Vice-présidente de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)
« L’aidance peut induire des changements de comportement, générer de la fatigue et, in fine, impacter l’activité professionnelle.
Les salariés aidants ont tout intérêt à parler de leur situation à l’entreprise le plus tôt possible, car plus on anticipe, mieux ça se passe.
Soutenir les aidant, les orienter, les informer sur leurs droits, sensibiliser leurs collègues et leurs managers : toutes ces actions font partie intégrante de la responsabilité sociétale de l’entreprise et de sa politique en faveur de la diversité et de l’inclusion. »
Concilier travail et aidance
Aidant et bien plus : une communauté pensée par des aidants pour des aidants
Qui mieux que les aidants eux-mêmes peuvent comprendre les difficultés des aidants au travail et les aider à vivre leur rôle d’aidant de manière positive ? Créée par trois femmes actives et aidantes et soutenue par l’action sociale d’AG2R LA MONDIALE, la Communauté digitale Aidants et bien+ s’adresse directement aux collaborateurs aidants en dehors du cadre de l’entreprise. Elle propose des formations, des ateliers collectifs, des groupes de parole et des évènements pour aider les aidants actifs à mieux concilier leur vie professionnelle et personnelle, à prendre soin d’eux et à valoriser leurs expertises. L’objectif est de leur redonner confiance en eux afin qu’ils identifient leurs compétences pour évoluer professionnellement ou trouver un emploi. L’association a reçu en 2024 le Prix Initiatives Aidant(e)s dans la catégorie « aidants et emploi », décerné par le Collectif Je t’Aide.
Aux côtés des aidants : aider les entreprises à aider leurs salariés aidants
Engagé depuis longtemps dans le soutien aux aidants, AG2R LA MONDIALE propose depuis 2021 aux entreprises de soutenir leurs salariés aidants avec un dispositif d’accompagnement appelé Aux côtés des aidants. Concrètement, les salariés aidants ont accès, de façon anonyme, à un « care manager » dédié, joignable par téléphone du lundi au vendredi. Ce dernier réalise un bilan individualisé des besoins de l’aidant et élabore un plan d’actions personnalisé qui l’oriente sur les démarches administratives à entreprendre, les aides financières à mobiliser et les solutions d’aide à domicile. Il assure le suivi de l’aidant et fait le point avec lui au bout de 3 mois pour réajuster le plan d’actions si besoin. Ce service s’adresse à toutes les entreprises, ainsi qu’aux collaborateurs du Groupe.
3 questions à...
Cloé Pillot Tonnelier, Chargée de mission Action sociale d'AG2R LA MONDIALE
Comment est née l’idée de valoriser les compétences induites par l’aidance ?
En 2018, dans le cadre des orientations prioritaires de l’action sociale AG2R Agirc Arrco - « Soutenir le retour à l’emploi des actifs les plus fragiles » et « L’accompagnement des aidants » - nous avons souhaité accompagner des actifs contraints de renoncer à leur emploi du fait de leur situation d’aidant. Nous étions alors convaincus que l’aidance, comme toutes les expériences de vie exigeantes, contribuait à développer et à renforcer de nouvelles compétences, profitables dans le cadre professionnel et donc susceptibles d’intéresser les entreprises. De là est née une démarche inédite d’identification de ces compétences et de leur potentiel de valorisation sur le marché du travail.
Quelles sont les principales compétences développées par les aidants ?
L’étude que nous avons réalisée avec nos partenaires a mis en lumière quatre grandes familles de compétences transverses : la résolution des problèmes complexes, le travail avec les autres, l’auto-organisation et la maîtrise des équipements et technologies. Nous avons créé un référentiel de ces compétences, expérimenté par une Communauté de neuf entreprises pionnières, dont le Groupe. Ce référentiel a ensuite donné naissance à un guide pratique à destination des entreprises, mais aussi à un questionnaire d’auto-évaluation permettant aux aidants d’identifier le potentiel professionnel de leurs capacités.
Le regard des entreprises sur les salariés aidants a-t-il évolué ?
Le processus est en cours, mais reste variable d’une entreprise à une autre. Ce que l’on constate au sein de la Communauté des entreprises mobilisée sur les aidants, c’est que le sujet des compétences suscite beaucoup l’intérêt des services RH. Celles identifiées chez les aidants sont d’ailleurs parmi les plus recherchées par les dirigeants, recruteurs et managers. Savoir les reconnaître et les valoriser, c’est donner l’occasion aux aidants d’apporter une valeur ajoutée à l’entreprise. Or, aujourd’hui, l’aidance est encore trop souvent perçue par le seul prisme – certes, primordial mais insuffisant – du besoin de soutien de l’employeur et ne relève que du service social de l’entreprise.